Rumporter : Bonjour Benoit, quel est votre parcours ?
Benoît Albanel : Je suis marié et papa de deux petits garçons. J’ai grandi en Bourgogne. Depuis aussi longtemps que je m’en souvienne, j’aime par-dessus tout les voyages, bien manger et… bien boire évidemment (rires) ! Mon premier « vrai » travail a été un volontariat international en tant que cuisinier-intendant de l’ambassade de France en Jordanie.
J’ai ensuite connu une première expérience d’entrepreneuriat en développant une société de service avec mon frère. Puis l’envie croissante d’entreprendre autour de ma passion du whisky m’a enfin poussé à me former à la BSB de Dijon (Burgundy School of Business) pour affiner un nouveau projet professionnel. En 2016, du whisky commençait à vieillir à la Martinique !
R : Comment vous est venue l’idée de faire vieillir dans les Caraïbes et plus particulièrement en Martinique, du whisky distillé en Écosse et en métropole?
BA : Mon épouse est Vénézuélienne et a grandi sur la côte Caraïbe. Nous cherchions un projet de passion qui nous rapproche de l’Amérique du Sud.
Je voulais également recréer l’émotion que m’ont procurée les whiskies japonais qui m’ont tant inspiré à mes débuts, mais sans attendre des décennies pour obtenir des résultats exceptionnels, grâce au climat de la Caraïbe.
Concernant le choix de la Martinique, les conditions extrêmes de température et d’humidité sont exceptionnelles pour le vieillissement des whiskies. Sans compter l’accès à des fûts exceptionnels de vieux rhum.
Pour beaucoup de spécialistes, il est reconnu que 60 à 80% des arômes et de la structure d’un whisky résultent de son élevage en fûts et de son environnement. La Martinique s’est imposée comme une évidence. J’en profite d’ailleurs pour remercier les Martiniquais pour leur accueil chaleureux et leur enthousiasme autour d’Aikan.
R : Qu’est-ce que le vieillissement tropical apporte au whisky selon vous ?
BA : Avant d’apporter quelque chose, il soustrait d’abord 8 à 10% du volume d’alcool par an en évaporation, la fameuse part des anges ! Mais c’est pour la bonne cause (rires) ! Plus sérieusement, le vieillissement tropical concentre beaucoup plus rapidement les arômes et apporte une maturité tout à fait singulière.
Il y a une concentration par part des anges qui contribue au profil unique des whiskies Aikan ainsi qu’une extraction ultra rapide de certains composés du chêne qui confère au rhum comme au whisky une maturité exceptionnelle très rapidement.
R : Pouvez-vous nous parler d’un whisky en particulier ?
BA : « L’intense » est tout à fait particulier, car nous avons utilisé des fûts ayant précédemment contenu du rhum grand Arôme et non des fûts de rhum agricole comme pour nos autres cuvées. Une première mondiale !
C’est un rhum de mélasse de fermentation longue distillé en Martinique également, intensément aromatique qui est par ailleurs souvent utilisé dans la gastronomie tant ses arômes sont puissants et gourmands.
C’est un style de rhum rare, surtout en version vieillie en fûts, cousin des rhums « high esters » de Jamaïque. J’adore ! L’hybridité rhum/whisky est vraiment déroutante ! Et c’est cela qui m’anime. Faire voyager d’un continent à l’autre dans la même gorgée. C’est la promesse d’Aikan !
R : Où est-il vieilli en Martinique ?
BA : Tous nos whiskies vieillissent un minimum d’un an à l’habitation La Salle à Sainte-Marie, au nord-est de l’île. Un site merveilleux situé à quelques centaines de mètres de la mer, au milieu des champs de canne à sucre… on retrouve justement ces accents iodés et salins dans notre whisky !
R : Pouvez-vous nous parler des fûts utilisés ?
BA : Le vieillissement en fût me fascine, la fabrication des fûts a assez peu évolué depuis près de 2000 ans. Si ce processus peut paraître à première vue un peu primaire, c’est bien au contraire un artisanat très raffiné et complexe ; et les nombreuses nuances de création entre deux barriques vont permettre à l’eau-de-vie de canne ou de céréale de développer tel ou tel profil aromatique.
Nous utilisons aussi bien des fûts de chêne américain, notamment pour les fûts de rhum, que des fûts de chêne français neufs. Plusieurs types de chauffes interviennent dans nos assemblages. Nous sommes attachés à beaucoup expérimenter, d’autant que l’impact du vieillissement tropical nous surprend sans cesse par son intensité.
Ce sont des fûts à la qualité irréprochable, car le vieillissement tropical ne pardonne pas, c’est un peu comme si le whisky se mettait dans une formule 1… et il ne faut rater aucun virage. Bref, tout défaut est proscrit et les contrôles en amont, comme durant le vieillissement et avant les assemblages sont une des clés de la réussite. Un travail minutieux, fût par fût, et chacun conserve sa personnalité.
Néanmoins, la tonnellerie a connu une véritable révolution cette dernière décennie et c’est une opportunité exceptionnelle pour les amateurs de whisky de découvrir ces évolutions aromatiques très qualitatives, et encore plus en version tropicale et accélérée avec Aikan.
R : Que raconte les dessins de l’étiquette?
BA : L’illustration est constellée d’éléments caribéens et européens, symbolisant la rencontre des 2 continents et l’hybridité intrinsèque de nos whiskies.
R : Le développement durable est-il une priorité chez Aikan ? Est-ce que nous verrons un jour un transport à la voile ?
BA : Bien sûr. Nous sommes très soucieux d’optimiser toutes nos phases de production. Notamment pour la partie qui est commercialisée en métropole.
Par exemple, la réduction (l’ajout d’eau pour obtenir le pourcentage final d’alcool) et l’embouteillage se font alors en métropole. Pour la cuvée Intense, nous avons fait le choix de ne pas proposer d’étui, ce qui n’est pas la norme pour cette catégorie de produit.
Concernant le transport durable, je suis particulièrement sensible au sujet. J’ai moi-même fait la promotion de l’écomobilité en 2007 au cours d’une aventure de 6 mois autour du monde avec un ami. À bord d’un quadricycle à assistance électrique que nous avions imaginé et fait fabriquer en France, nous avons pédalé des milliers de kilomètres et rencontré des journalistes dans chaque pays pour en faire la promotion.
Nous suivons le développement des transports à la voile avec attention. Nous attendons avec impatience des liaisons avec la Martinique.